Juste aveugle, ou presque...

vendredi 1 janvier 2021

les six aveugles et l'éléphant

 Bonjour à toutes et tous,


En ce premier jour de la nouvelle année, permettez-moi de vous présenter mes meilleurs voeux pour 2021.

Et pour la circonstance, voici une fable, rendue célèbre par le poète américain John Godfrey Saxe au milieu du XIXe siècle :

La parabole des  aveugles et de l’éléphant


" Six hommes d'Inde, très enclins à parfaire leurs connaissances, allèrent voir un éléphant — bien que tous fussent aveugles — afin que chacun, en l'observant, puisse satisfaire sa curiosité.


Le premier s'approcha de l'éléphant et perdant pied, alla buter contre son flanc large et robuste. Il s'exclama aussitôt : « Mon Dieu ! Mais l'éléphant ressemble beaucoup à un mur ! »


Le second, palpant une défense, s'écria : « Oh ! qu'est-ce que cet objet si rond, si lisse et si pointu ? Il ne fait aucun doute que cet éléphant extraordinaire ressemble beaucoup à une lance ! »


Le troisième s'avança vers l'éléphant et, saisissant par inadvertance la trompe qui se tortillait, s'écria sans hésitation : « Je vois que l'éléphant ressemble beaucoup à un serpent ! »


Le quatrième, de sa main fébrile, se mit à palper le genou. « De toute évidence, dit-il, cet animal fabuleux ressemble à un arbre ! »


Le cinquième toucha par hasard l'oreille et dit : « Même le plus aveugle des hommes peut dire à quoi ressemble le plus l'éléphant ; nul ne peut me prouver le contraire : ce magnifique éléphant ressemble à un éventail ! »


Le sixième commençait tout juste à tâter l'animal, lorsque la queue qui se balançait lui tomba dans la main. « Je vois, dit-il, que l'éléphant ressemble beaucoup à une corde ! »


Ainsi, ces hommes d'Inde discutèrent longuement, chacun faisant valoir son opinion avec force et fermeté. Même si chacun avait partiellement raison, tous étaient dans l'erreur. "


Chaque être est unique, et dispose de sa propre façon de penser et d'interprêter ce qu'il voit...

Ainsi, la  tolérence, devrait être ancrée en chacun de nous,car, dans une situation donnée, nous n'aurons jamais vraiment la même approche ni le même point de vue...



Merci beaucoup pour votre visite, et prenez soin de vous...


lundi 2 novembre 2020

Priska, chien-guide

 "Elle avait un joli nom, mon guide..." pas Nathalie, mais Priska...



Bonjour à toutes et tous.


Je m'appelle Priska, et même si il y a une quinzaine d'années, la tumeur que j'avais dans mon abdomen a eu raison de ma vie, mon esprit est toujours là pour vous présenter le métié de chien-guide d'aveugle


École d'Alsace, un matin de janvier 2003, Chantal, mon éducatrice prépare mon posto (c'est mon tapis), mes croquettes, et quelques autres choses encore, et me fait monter à l'arrière de sa voiture... Je ne comprends pas tout, mais j'ai comme l'impression que ma vie va bientôt changer...


Quelques heures plus tard, en Bourgogne, nous arrivons dans une cour plutôt sympa, dans un petit village à la campagne. Un jeune couple sort de la maison, et, en apercevant le monsieur avec ses lunettes noires, je comprends que mon job commence ici...


Après quelques minutes de présentation, Chantal déballe mes affaires et installe mon posto dans la salle à manger... Puis, elle s'absente un moment pour déjeuner, ce qui va nous laisser, à mes nouveaux maîtres et à moi, le temps nécessaire pour faire plus ample connaissance.


Le courant passe tout de suite, et je sautille déjà autour d'eux pour leur faire la fête... En leur mordillant un peu les doigts au passage... Mais, apparemment, ils n'ont pas l'air d'aprécier... je vais revoir mes élans d'amour à la modération...


En début d'après-midi, ma maman de coeur revient et explique à François comment se passe le guidage...

Et pour se faire, rien ne vaut un petit chemin en pleine nature...

J'enfile la tête dans la boucle de mon harnais, et nous voilà parti à l'aventure D'après ce que j'ai compris, c'est la première fois pour François, et il se débrouille super bien... Et pour ma part, c'est que du bonheur... Comme tous les jours des 4 prochaines années d'ailleurs


Quelques jours suffisent à Chantal pour enseigner à mon copilote la technique de guidage dans son ensemble, apprendre à Cathy, ma nouvelle maman de coeur, comment me reprendre, si toutefois je faisais une bétise, et me faire découvrir le nouvel environnement dans lequel je vais mettre les pattes à partir de maintenant : trouver la pharmacie, le tabac, la boulangerie, la caisse dans le supermarché, les zébras (les passages pour piétons), les bancs dans le parc, la boîte aux lettres dans le village, ...


Arrive le moment où Chantal va nous laisser en famille et repartir chez elle... Je l'accompagne jusqu'à sa voiture, elle me fait un gros calin, et je lui explique du regard qu'elle peut partir tranquille... Tout va bien se passer.

Je regarde le véhicule s'éloigner avec un petit pincement, un petit pipi à l'endroit prévu à cet effet, et je mangerais bien un morceau...


Cathy et François ont l'air ravi et très gentils.


Pour faire une petite parenthèse sur mes capacités d'adaptations, il faut savoir que je sais mémoriser des itinéraires courants (presque aussi bien que "Google Maps"...), et réagir à un simple mot pour faire un trajet précis ("docteur" pour emmener son équipier à son rdv de médecin ...).



Maintenant que le décor est planté, que diriez-vous de savourer quelques anecdotes croustillantes... Et comme le dirait mon papa de coeur : du vécu, du pur et dur...


Devant la porte d'une boutique, François me dit "entra", puis "banca" pour le conduire jusqu'au guichet où se tiend la vendeuse.

Dans une des allées du magasin, une personne est plantée sans bouger, en plein milieu du chemin. Elle nous tourne le dos...

Je sais que ce ne sont pas des manières, mais je ne peux résister à lui mettre un bon coup de museau dans le derrière pour la déloger... Il n'y a pas, j'ai une mission, et compte bien faire mon travail comme il se doit... La personne sursaute d'abord, puis se retourne... Son visage pâlit et elle s'enfuit dans une autre allée... Ça m'éclate à chaque fois... Après l'effet de surprise, ma victime se rencontre qu'elle vient de se faire "bousculer" par un berger-allemand d'une quarantaine de kilos... Pour la forme, mon papa semble gêné, mais je remarque le petit sourire sur ses lèvres... Je crois que je vais pouvoir demander une augmentation en croquettes ce moi-ci...


François fait ses achats et me lance : "Priska, sorta", et nous voilà sur le trottoir. Cathy sort de la pharmacie et nous rejoint.


Nous remontons en voiture, direction le supermarché.


Nous entrons dans la boutique quand une toute petite fille (guère plus grande que moi m'aborde... Une jeune femme (qui doit être sa mère) semble très inspirée par les fruits qu'elle est en train de choisir, et ne captera rien de ce qui va suivre, et c'est bien mieux comme ça...

En m'approchant de cette gentille petite fille, son visage s'illumine et elle sort de sa bouche la sucette qu'elle est en train de déguster en attendant sa mère, et me la tend...

Moi, gourmande comme une chatte, bien que je sache que je n'ai pas le droit à ce genre de distraction en pleine séance de guidage, je ne résiste pas à faire une lèchouille sur le fameux bonbon... Et, avec un sourire jusqu'aux oreilles, la petite remet la sucette dans sa bouche... La mère se retourne et n'a rien vu... La petite est aux anges, moi, j'en aurais bien repris un peu plus. Cathy, qui a tout suivi et n'a rien pu faire de peur que la maman ne sorte précipitamment de son inspiration, nous entraîne dans un autre rayon, avant de tout raconter à son chéri...


Finalement, nous retournons vers les fruits, et pendant que ma maman de coeur choisi des abricots, François lui annonce qu'il va chercher un pack d'eau Inutile de me demander, j'ai compris ; je me mets en marche et l'emmène sans détour devant le rayon eau... Mon papa, qui n'en revient pas, me félicite chaudement, et nous retournons vers Cathy.


Autre lieu, autre étonnement... Enfin, pour eux, car pour moi, c'est la routine...

Nous entrons dans un hyper à Dijon, un endroit dans lequel je n'avais jamais mis les pattes.

Mon équipier me demande le rayon pain...

Miam ! c'est bon le pain...

Je lève un peu le museau et le fumet se fait déjà sentir... Je décolle comme une flèche, traverse tout le magasin en slalomant entre les gens, pour arriver devant un étal gigantesque de baguettes et autres miches, toutes aussi appétissantes les unes que les autres...

Mission remplie avec succès...


Je pourrais rester des heures à vous compter des histoires comme celles qui précèdent, mais je pense qu'il est temps pour moi de rendre l'antenne, et d'attendre avec impatience vos commentaires.


Merci beaucoup pour votre visite sur cette page qui, je l'espère, vous aura distrait pendant un moment.


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lundi 12 octobre 2020

Beethoven de la photo

 Bonjour à toutes et tous.


Aujourd'hui, je vous propose de découvrir (ou redécouvrir) une de mes passions qu'est la photo... Une aventure originale que j'ai pratiqué en amateur averti il y a une douzaine d'années, et que je souhaite aujourd'hui mettre en lumière ici... Mais, plus qu'une explication sur le "comment du pourquoi", l'objectif de cet article s'inscrit dans une volonté de vous donner envie de vous essayer à la pratique de la photo en aveugle...


Photographe et aveugle sont 2 termes que l'on a pas vraiment l'habitude de voir ensemble, et pourtant, alors qu'il y a quelques années, seulement une dizaine de personnes handicapées visuelles pratiquaient la photo dans le monde, à l'heure actuelle, de plus en plus d'initiatives similaires voient le jour un peu partout sur la planète.


De mon côté, même si je ne pratique plus cette discipline assidument, il m'arrive parfois de recourir à l'appareil de mon iphone  pour immortaliser un instant qui me parle, et ce en mode réflex (grâce à l'app "Manual", pour les connaisseurs).


Alors, me direz-vous : mais comment faites-vous ?


Avant tout, comme je l'exprimais dans un article précédent, les yeux demeurent les meilleurs outils pour apréhender ce qui nous entourre...

Bien sûr, la créativité reste sans limite et les sensations de "maîtriser" le visuel sont intenses, mais voilà, il me manquera toujours la pleine autonomie pour m'épanouir à 100% dans la photo...


Effectivement, sans le regard de ma compagne, ou de mon guide du moment, difficile de cadrer du premier coup son sujet, et encore moins vérifier les clichés réalisés.

Certes, il m'est déjà arrivé de réussir une prise de vvue tout seul, dans certaines conditions et ce, en ayant recours, bien malgré moi, à ce qu'on appelle communément "le troisième oeil"... J'en reparlerai plus en détail dans un prochain article, mais sachez qu'il n'y a rien de métaphysique là dedans, puisque, pour résumer, au niveau du front, entre les   sourcils, nous avons tous une petite glande nomée "la glande pinéale", reste d'un oeil reptilien doté de capteurs photosensibles que certains savent utiliser pour voir d'une autre manière...


Pour ma part, même si je sais que ma pinéale fonctionne, je n'ai malheureusement pas encore le "retour caméra" dans le cerveau, et n'arrive pas à afficher des images dans ma tête... Mais j'y travaille sérieusement.


Concrètement, mieux qu'un long discour, je vous invite à lire l'interview que j'avais donné au magasine Photophiles, duquel j'ai d'ailleurs extrait le titre de mon article... : 


Interview F. Montenot


De plus, pour voir une sélection de mes réalisations, voici mon site

Et pour une démo en live... c'est ici que cela se passe :




À présent, c'est à vous de jouer...

Il vous suffit d'un bandeau, d'un appareil photo ou de votre smartphone, et d'un guide de confiance.


Une fois le bandeau positionné sur vos yeux, laissez vos autres sens explorer votre environnement et mettez votre accompagnateur à contribution pour "une visite guidée" de ce qui vous entourre.

Et quand vous le sentez, appuyez sur le déclencheur.

Faites preuve de créativité en plaçant votre appareil photo au-dessus de votre tête, entre vos pieds, ou sur votre poitrine... Touchez ce qui est à votre portée  essayez de capturer un bruit, demandez à votre guide de jouer le rôle de modèle, ... Tout est permis du moment que vous prenez du plaisir.


Une fois la séance achevée, avant d'enlever votre bandeau, demandez à votre équipier de vous décrire ce que vous avez pris en photo.


Arrive le moment tant attendu où vous retrouvez la vue pour le visionnage perso ...


Quelles sont vos premières impressions ?

Que tirez-vous de cette expérience ?

Vous êtes-vous senti à l'aise avec les yeux aveuglés ?

...


Que diriez-vous de venir témoigner dans un commentaire ?


Bonne exploration et à très vite pour votre ressenti...


jeudi 24 septembre 2020

L'écholocation

L'écholocation, ou comment voir avec ses oreilles


Bonjour à toutes et tous,


Et si aujourd'hui, nous parlions de l'écholocation (ou écholocalisation) ?

C'est une "fonctionnalité" que nous avons tous en nous, mais que certaines personnes vont développer plus finement, par nécessité pour les personnes qui ne voient pas, ou pour méditer ou explorer d'autres horizons, pour celles et ceux qui pratiquent l'aveuglement volontaire.


Concrètement, si vous faites un bruit dans une église, et que vous reproduisez le même bruit dans vos toilettes, le son que vous entendrez sera différent... Tout cela parce que les obstacles, comme les murs, reflètent les bruits, et en fonction de la distance qui vous sépare de l'obstacle, et de la matière qui le compose, le bruit qui vous revient à l'oreille sera différent.

C'est le principe du sonar et de l'écholocalisation animale qu'utilisent les chauves-souris et les dauphins notamment.


Dans le cas de la chauve-souris noctambule que nous connaissons (qui n'a certainement pas des yeux de chat), afin de pouvoir se déplacer en pleine nuit pour chasser les insectes, elle a développé cette faculté en émettant des ultrasons avec ses cordes vocales. Et comme cela lui mange beaucoup d'énergie, une bonne partie du reste du temps, une fois qu'elle s'est occupée de son petit (ou du petit de sa copine qui vient de partir casser la croute), elle roupille...

Quand on imagine que ces petites bêtes sont capables de détecter un fil de 0,1mm à une distance de 10m, on comprend aisément pourquoi il est presque impossible de les capturer... Et c'est très bien comme cela, car, contrairement aux idées reçues, la chauve-souris n'est pas agressive avec l'homme et ne détruit pas son environnement (ni le nôtre d'ailleurs...), pourvu qu'elle trouve un coin tranquille pour hiverner... En prime, tous les moustiques qu'elle mange ne finiront pas sur notre bras (ou ailleurs) pour nous pomper notre sang et nous laisser, au passage, un joli bouton qui grattouille...


Bien sûr, pour les humains initiés, ce n'est pas aussi fatiguant de pratiquer l'écholocation, et je n'ai encore jamais rencontré de non-voyant qui dormait la tête en bas, accrochés par les orteilles à une étagère par exemple... Et vous ?


Alors, en pratique, c'est en frappant la canne blanche au sol ou en faisant claquer sa langue sur son palais, ou encore en claquant des doigts, que tout s'éclaire...

Mais j'imagine aisément que pour les "nons-initiés", cela puisse être un peu déroutant. Anecdotes à l'appui...


Depuis toujours, j'aime me balader en forêt, aider mon père à façonner le bois de chauffage, et l'accompagner pour lui prêter la main quand il était exploitant forestier pro ...

Et comme je suis originaire de Bourgogne, de Beaune en Côte d'Or, pour être plus précis, une grande région viticole, rien d'étonnant alors, qu'il décroche un jour un contrat avec une scierie qui fabriquait des piquets de vignes...

Sur le terrain, pendant que les arbres tombaient au sol, comme à l'habitude, je faisais mon petit tour , un peu à l'écart, sans canne blanche (impossible à gérer dans la végétation), et sans me heurter aux troncs qui étaient encore debout, et participais à la transformation des morceaux de bois que mon père venait de tronçonner, en les ébranchant à l'aide d'un outil tranchant comme une serpe ou une hachette. Puis, une fois les morceaux débarrassés de leurs branches, je les empilais en tas propre, pour être récupérés par la scierie.

Et à chaque fois que le patron de la scierie et un ou deux employés, arrivaient sur le chantier avec leur tracteur et une écorceuse (une machine infernale qui faisais un bruit épouvantable...), ils restaient immobiles pendant environ un quart d'heure, la bouche demi-ouverte, comme hypnotisé par "le spectacle" que je leur donnais... Cela amusait beaucoup mon père, qui les observait discrètement, et venait me le raconter après leur départ...


Autre époque, autre lieu : il y a une dizaine d'années, alors que je m'essayais à la pratique de la photo numérique, à la suite d'un article dans la presse régionale, la municipalité de Flavigny-sur-Ozerain, une magnifique cité médiévale située à une heure environ au nord de Dijon, mondialement connue pour ses fameux petits bonbons à l'anis, m'invite à exposer mon travail, à l'occasion des journées du patrimoine.

C'était ma deuxième expo, et cette fois, je disposais d'une salle pour moi tout seul... A notre arrivée (ma compagne et moi-même), une jeune personne, chargée des visites  des monuments pendant la manifestation, nous emmène devant un bâtiment assez ancien. La porte s'ouvre et nous entrons dans une salle du 14ème siècle, plutôt froide, qui sentait "bon" le renfermé et un peu la suie. Comme à mon habitude, je lâche la main de mon amie et pars, seul, les mains croisées dans le dos, à la découverte de l'endroit, tout en décrivant à voix haute, ce que perçoivent mes sens.

Je commence par éviter l'imposante cheminée (mon nez ne m'avait pas trompé...), et là, notre accompagnatrice interroge mon amie, qui lui explique, en quelques mots, les principes de l'écholocation.

Je poursuis mon exploration en évitant une table, des chaises, et d'autres obstacles encore, et me retrouve pratiquement au centre de la salle quand je m'arrête brusquement et lance à la cantonade : "il y a un bruit bizarre dans mes oreilles, cela doit sûrement être une convergence de quelque chose dans l'architecture au-dessus de ma tête."... Je lève alors le bras, et suis avec mon doigt, la forme exacte d'une des voûtes en pierre qui ornait le plafond quelques mètres plus haut...

A cet instant, tout en se rapprochant de la sortie, notre guide regarde ma compagne et lui déclare : "il me fait peur !", puis elle disparaît...


Si vous aussi, vous avez une anecdote à raconter, ou souhaitez tout simplement échanger sur le sujet, n'hésitez pas à poster un commentaire.

De même, il serait très intéressant d'avoir le ressenti de personnes qui pratiquent l'aveuglement volontaire...


Merci à vous et à bientôt.

mercredi 16 septembre 2020

Anecdotes perso

Bonjour à toutes et tous.


Pour commencer, j'ai envie de vous parler de la déficience visuelle, mais sans m'attarder sur l'aspect médical (beaucoup de sites associatifs, personnels et autres en parlent déjà très bien), mais plutôt en vous livrant quelques facettes et anecdotes que l'on ne rencontre pas forcément à tous les coins du web, et d'ailleurs... Le tout sans misérabilisme, avec juste ce qu'il faut d'humour pour que, je l'espère, vous passiez un bon moment sur mon blog...


"Il marche tout seul ?", Oui, on lui a changé les piles ce matin...

"Il a fait des études ?", Pensez-vous... vous faites bien de ne pas lui parler directement, il est bête comme ses pieds...

"Comment fait-il pour manger ?", On a essayé de lui faire un tas par terre, mais finalement il fait moins de saletés avec une cuillère ou une fourchette dans une assiette... Et puis, cela faisait désordre quand on recevait du monde...


Même si ces questions font partie de mon vécu, je vous rassure, je ne les ai entendu qu'une fois dans ma vie...

Sans oublier les quelques personnes qui n'ont jamais voulu me rencontrer, de peur de ne pas savoir comment se comporter avec cette drôle de bête...


Sinon, à part cela, tout va bien... Mais il est vrai qu'en général, une personne valide arrive difficilement à s'imaginer comment, sans les yeux, il est possible d'évoluer dans notre monde où le visuel est omniprésent.


Il ne faut pas se mentir, on a encore rien trouvé de mieux pour éviter un obstacle à bonne hauteur, pour esquiver une tarte à la crème ou une claque sur le nez même si elle est méritée...), et accessoirement pour conduire une voiture, feuilleter le journal ou encore trouver un produit en particulier dans un rayon de magasin ou admirer une jolie fille dans la rue, surtout quand on sait que nous ne pouvons recourir qu'au toucher pour apprécier les formes, aussi bien des objets qui nous entourent que celles d'une personne... Il y a des choses qui ne se font pas, et encore moins dans la rue avec une inconnue...


Le toucher, justement, va nous permettre de lire le Braille, de reconnaître la matière d'un vêtement,  (et dans de rares cas, certaines personnes aveugles ressentent (et surtout arrivent à différencier) aux bouts de leurs doigts, les fréquences émises par les différentes couleurs...


L'ouïe est également un outil très important, voire primordial pour apréhender notre environnement, notamment pour nous permettre d'analyser les flots de circulations des voitures en ville pour repérer les feux tricolores, pour retrouver un passage pour piétons par exemple.

A ce sujet, quand j'étais ado et que je faisais mes études à l'Institut National des Jeunes Aveugles à Paris, en complément de ma scolarité, j'apprenais, avec un prof de locomotion, à me déplacer dans la rue, le métro, dans une boutique, ..., pour devenir autonome...

Un jour, nous voilà parti, ma professeur et moi, ma canne blanche à la main, à la découverte d'un carrefour... Planté devant un passage pour piétons, je devais juste à l'oreille, mémoriser le nombre de rues présentes, avec les sens de circulations, pour lui matérialiser le tout sur un tableau aimanté, à notre retour dans son bureau. J'oubliais... Pour me laisser me concentrer, elle restait un peu en retrait...

Soudain, je sens une grosse main qui me prend le bras, me soulève à moitié, et me fait traverser la route sans rien dire... Une tape sur l'épaule et me voilà à nouveau tout seul devant une autre voie du carrefour... Pas de nouvelles de ma prof, et comme je n'avais pas le droit de traverser seul, pas avant qu'elle soit sûre que j'étais capable de prendre toutes les précautions d'usages, je reprends mon exploration là où je me trouve, quand un passant m'aborde et me propose son aide pour traverser... Une brève explication suffit pour que je poursuive mon écoute des lieux. A ce stade, je commence un peu à me mélanger les crayons, quand une nouvelle personne arrive près de moi et me parle dans une langue que je ne connaissais pas... Je lui dis "no" en faisant un signe de négation de la tête, puis plus rien... Les véhicules s'arrêtent au feu, et l'homme m'agrippe par le bras pour me faire traverser la rue, un terre-plein, puis une autre portion de route d'au moins 3 voies... Et là, je suis perdu... Et toujours pas de nouvelles de ma prof...

Une jeune fille m'aborde et me demande si elle peut faire quelque chose pour moi... Elle devait avoir dans mes âges (autour des 16 ans). Pour la petite histoire, elle avait une très jolie voix et un super parfum... Plutôt bien inspiré par cette charmante rencontre, je commence à lui raconter ma mésaventure et lui explique que j'étais en cours de locomotion... Elle me répondit alors qu'elle avait un peu de temps, et qu'elle pouvait me guider et me faire découvrir l'ensemble du carrefour si je le souhaite... Je craque et attrape son bras... Et pour la première fois, je réalisai que la cécité n'était pas toujours un fardeau... et me voilà parti à l'aventure en super compagnie... Après une ou deux traversées de rues, une femme nous accoste... C'était ma prof...

De retour à l'école, il ne m'a fallu que quelques secondes pour lui dresser un portrait rigoureusement exact du dit carrefour et j'eus enfin l'explication de son absence sur le terrain...

L'enseignante me confie qu'elle observait mes réactions face à l'Inconnu et qu'elle avait apprécié mon sang froid et ma détermination à explorer l'endroit, et sans hésiter, elle me délivra l'autorisation de sortir seul dans le quartier...

Pour terminer avec cet épisode, je suis retourné quelques fois sur les lieux de ma troublante rencontre, mais je n'ai jamais revu ma belle inconnue...


Avant de terminer, voici deux petites anecdotes qui se passent de commentaires. Du vécu, pur et dur...

La scène se passe dans une grande avenue plutôt calme. Je marche seul, un peu comme dans la chanson de Jean-Jacques Goldman, quand j'entends, dans mon dos, le bruit caractéristique d'une paire de chaussures à talons qui se rapprochent dangereusement... Le timbre de la voix confirme mes soupçons sur le fait qu'il s'agisse bien d'une femme... Et d'une cinquantaine d'années pour être plus précis. Visiblement, elle a l'air très pressée, et sans ralentir, en arrivant à ma hauteur, elle me demande si je fais bien attention avec ma canne. Je lui répond que "bien entendu, madame". Le trottoir, d'environ 2 mètres de large est désert, et alors qu'elle me dépasse, toujours à la même cadence, c'est en arrivant au moins à 2 ou 3 mètres de moi que je l'entends marmonner : "Il me la foutrait bien dans les pattes, ce con-là"...


Autre jour, autre lieu... à la sortie de la bouche de métro près de l'Institut des Jeunes Aveugles, un quartier bien fréquenté par mes congénères en canne blanche... Je marche sur le trottoir quand ma canne heurte "quelque chose" de souple... Oups, il s'agit d'une jambe... Aussitôt je m'arrête et présente mes excuses à son propriétaire, puis je reprends mon chemin. Au bout de quelques mètres, je sens une présence qui se rapproche dans mon dos (le vacarme de la circulation m'empêchant d'entendre le bruit des pas...), et une main m'attrape le bras... bien moins grosse que celle du carrefour de tout à l'heure, mais tout de même, cela me stoppe dans mon élan...

Une personne d'un certain âge, la voix chevrotante et en même temps pleine de douceur et de gentillesse me déclare calmement : "Merci beaucoup Monsieur ; vous savez, c'est rare les gens comme vous qui s'excusent"...


Pour conclure, mes parents m'ayant appris la civilité et la politesse, j'ai tendance à présenter mes excuses un peu trop vite parfois... Et il m'arrive de vivre de grands moments de solitudes... Surtout quand le maudit poteau que ma canne blanche à laissé passé, et auquel je déclare mes plus sincères excuses pour lui avoir mis un coup d'épaule, se trouve juste devant une terrasse de café bien remplie...



A présent, la parole est à vous...

Vous êtes valides , et vous vous êtes un jour retrouvé dans une situation cocasse ou désagréable avec une personne déficiente visuelle,

vous êtes mal ou non-voyant, et vous avez une anecdote à raconter,

n'hésitez pas à laisser un commentaire...


Merci beaucoup pour votre visite et à bientôt.